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Nîmes, Ville d'art et d'histoire

Un site édité par le Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine de la Ville de Nîmes

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L'Art déco
à Nîmes

L’Art déco tire son nom de l’exposition internationale des arts décoratifs organisée à Paris en 1925 au Palais de Chaillot. Elle présente un style nouveau qui émerge dans le contexte de la reconstruction de l’après-guerre. C’est un mouvement artistique populaire influencé par les avancées technologiques et la modernité (aviation, automobile, radio, cinéma muet) de l’époque. Ensemble elles sont à la recherche d’un nouvel art de vivre : les Années Folles succèdent à la Belle Époque.

Ferronnerie de la porte de la crèche Delon Soubeyran

Ferronnerie à motifs géométriques typique de l'Art déco.

Ferronnerie de la porte de la crèche Delon Soubeyran

Ferronnerie à motifs géométriques typique de l'Art déco.

Ferronnerie de la porte de la crèche Delon Soubeyran

Ferronnerie à motifs géométriques typique de l'Art déco.

Un nouvel art de vivre

La modernité avant tout

Né avant la Première guerre mondiale, l’Art déco affiche des lignes audacieuses, des formes décoratives simples, épurées et élégantes. S’il tourne le dos à l’Art nouveau il emprunte à l’Antiquité ses décors géométriques. La ligne droite remplace la courbe. La lumière est omniprésente et les nouveaux matériaux alu, verre, béton armé, brique et plastique sont à l’honneur…

Au cours des années plusieurs tendances apparaissent en fonction de l’environnement et du lieu. La grande dépression de 1929 crée une scission entre les traditionalistes et les modernistes, mais des caractéristiques communes demeurent. Construit sur les principes du Bauhaus, ce style est influencé par les nouveaux courants artistiques ; le fauvisme, l’art nègre, le cubisme, le constructivisme, le futurisme qui naissent avant et après la Seconde guerre mondiale. Il existe un esprit Art déco que certains considèrent comme émancipateur et féministe.

Détail de la frise de la salle de spectacle du Colisée

Frise de décor géométrique à base de motifs circulaires évoquant des feuilles en éventail.

Carreaux typiques Art déco

Fragment de frise Art déco par Paul Christol à l'ancien café-concert Eden Studio

Ancien magasin de souvenirs sur le boulevard de la Libération

Un art qui séduit le monde

Ce mouvement, né dans le champagne d’une paix retrouvée devient le premier style international. Les artistes français exercent leur talents ou influencent l’architecture et les décors de leurs homologues étrangers dans les grandes capitales : New York, Madrid, Bruxelles, Porto, Belgrade, Rio de Janeiro, São Paulo, Shanghai, Saïgon, Tokyo, Chicago…

La plupart des villes françaises possèdent un édifice Art déco, souvent modifié par les influences régionalistes. À Nîmes, l'absence de grand chantier de reconstruction explique une présence discrète de ce courant. Cependant, il se manifeste dans le domaine public (lycée, musée, salle de réunion, bureau des postes télégraphes et  téléphones…) et de manière plus expressive dans des constructions privées (hôtel, théâtre cinéma, immeubles, magasins et surtout villas) et même religieuses.

Un théâtre cinéma : Le Colisée

Une période phare de l’histoire du cinéma

Déjà colorisé, bientôt parlant, plus tard en technicolor, le cinéma devient pendant l’entre-deux-guerres le spectacle populaire par excellence. Chaque commune ou presque dispose d’une salle, signalée par une façade moderne en style Art déco.

En 1926, Victor Reignier président de la société des palais de Provence fait construire sur l’ancien hôtel du Petit Saint-Jean, une salle de spectacle avec logements et boutiques. Sa situation à l’angle de la place Gabriel Péri et du boulevard Amiral Courbet est idéale. C’est le tandem Georges-Henri Pingusson et Paul Furiet, apparenté au nouveau style, qui est chargé de la construction du Colisée. Membres de l’Union française des artistes modernes ces architectes veulent des bâtiments accessibles à tous et dont la forme exprime la fonction.

Façade du Colisée

Théâtre et cinéma construit en 1926 par Georges-Henri Pingusson sur l'ancien hôtel du Petit Saint-Jean.

Façade du Colisée

Théâtre et cinéma construit en 1926 par Georges-Henri Pingusson sur l'ancien hôtel du Petit Saint-Jean.

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Le Palais du Petit Saint-Jean (future Colisée façade principale) le 15 avril 1927

Dessin représentant la façade portant l’enseigne «Théâtre, Colisée, Cinéma » du Colisée en 1927.

La salle du Colisée

Elle accueille des galas, pièces de théâtre, des concerts et des numéros de cirque.

Des bâtiments à la gloire du septième art

Des commerces et bureaux sont installés au rez-de-chaussée, des logements et dancing au premier étage. La façade du cinéma théâtre en béton armé, s’ouvre sur le boulevard. Elle présente des lignes horizontales, des formes simples, épurées, que l’on retrouve sur les Palais du Cinéma édifiés au début des années 1930. Un grand fronton souligne l’entrée et domine trois panneaux verticaux portant l’enseigne "Théâtre, Colisée, Cinéma".

Un vaste hall conduit à une salle de 2500 places. Elle est occupée par une scène bordée d’une profonde fosse d’orchestre. L’éclairage zénithal est assuré par une grande verrière qui coiffe l’orchestre et le long balcon en béton armé. Sur les murs, une large frise stuquée déroule un décor géométrique raffiné à base de motifs circulaires évoquant des feuilles en éventail. Cette salle prestigieuse est équipée des dernières avancées techniques. Elle accueille des galas, pièces de théâtre, des concerts et des numéros de cirque.

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La fin d’un rêve

Pour résister à la concurrence et élargir la programmation, en 1973, sous le nom de K7 l’établissement héberge une galerie marchande et cinq salles plus petites. Dans les années 1980, l’installation des multiplex dans les zones commerciales périphériques fait disparaitre les cinémas du centre-ville. Le Colisée baisse le rideau et une supérette et une brasserie occupent les locaux.

Après des années d’abandon, une vive campagne de soutien et de sensibilisation, permet en 2015 l’inscription du Colisée aux Monuments Historiques. La rénovation sauve l’immeuble et le transforme en résidence sénior. Seule la façade du cinéma est conservée sans toutefois retrouver tous ses caractères d’origine. La disparition des toitures et des salles intérieures escamote l’influence Art déco et la magnificence de ce qui fut l’un des programmes phares de la ville dans les années 1930.

L’Eden théâtre, rue Godin aujourd’hui disparu et l’Odéon annexe du théâtre Bernadette Lafont, sont aussi les témoins de la présence de l’Art déco dans les édifices consacrés aux loisirs.

Façade de l'ancien cinéma-théâtre le Colisée en 2022

Façade de l'ancien cinéma-théâtre le Colisée en 2022

Lycée Dhuoda

Un hommage à l’Art déco

Dans l’îlot délimité par les rues Dhuoda, Clovis, Génerac et Henry IV se dresse l’impressionnant bâtiment qui accueille le lycée technique général Dhuoda. Il est l’héritier de deux anciens établissements, l’école de dessin créée en 1836 et l’école pratique de commerce et d’industrie. Ce lieu de formation installé dans l’école de la Calade, située sur la place du même nom, ne correspondait plus aux nouveaux besoins exigés par les fabrications locales. Pour mieux résister à la concurrence, les industriels soutenus par les municipalités du début du XXe siècle décident  la création d’un  nouvel établissement, l’École Pratique de Commerce et d’Industrie et primaire supérieure. Elle doit dispenser un enseignement technique moderne, et des cours professionnels pour les employés municipaux... 

École Pratique de Commerce et d'Industrie de la Calade en 1930

École Pratique de Commerce et d'Industrie de la Calade en 1930

La valorisation de l’enseignement technique

Influencé par les créateurs du mouvement corporatiste de l’École de Nîmes fondée par Charles Gide et Augustin Fabre, le maire Hubert Rouger souhaite que les enfants issus des milieux populaires qui s'orientent vers l'apprentissage technique, ne soient plus les "laissés pour compte" du système éducatif.

Sur un terrain de plus de 20 ha, le 17 septembre 1936 le premier élu inaugure le "Groupe Scolaire Hubert Rouger". Il prendra plus tard le nom de la rue Dhuoda qui longe la façade principale du bâtiment.

Une architecture monumentale

Jean Christol remporte le concours d’architecture et suit le chantier. Il s’inspire des prestigieuses réalisations parisiennes d’Auguste Perret, le premier à oser le béton armé jusqu’alors réservé aux seuls ingénieurs. L’objectif du maître quand il construit des bâtiments est de faire du beau avec du banal.

L’architecte nîmois, influencé par l’œuvre de son éminent confrère, est convaincu qu’il faut choisir les matériaux de son époque. Pour des raisons économiques il privilégie l’utilisation de poutres renforcées par une armature métallique autorisant de longues portées.

La façade monumentale coiffée d’un toit terrasse, d’une grande rigueur s’élève sur trois niveaux. Elle se présente comme une sorte "d’arc de triomphe des temps nouveaux" entouré de pylônes carrés qui délimitent une colonnade.

Façade du lycée Dhuoda

Façade du lycée Dhuoda

Des frises réalistes

Une grande frise en ciment de 30m de long sculptée par André Meric, professeur à l’école des Beaux-Arts, encadre l'entrée principale. Ce bas-relief présente des compositions évoquant les outils emblématiques de l’industrie et du commerce. En-dessous, de grandes cornes d’abondance laissent échapper des guirlandes de fleurs et de fruits. Ce décor traduit l’influence de l’un des monuments considéré comme l’un des plus représentatifs de l’Art déco, le musée des arts d'Afrique et d'Océanie construit à Paris par Albert Laprade en 1931.

Sous le porche, trois panneaux sculptés, aux motifs réalistes sont  signés par l’artiste héraultais Henri Calvet. Des machines, des camions, des grues, des usines, des instruments de chimie représentent, de bas en haut et de haut en bas, les différents métiers (forgerons, menuisiers, serruriers, architectes, imprimeurs…) et les sciences enseignés au lycée.

Zigzagant sur l’ensemble des façades un  motif à bâton rompu souligne le dernier étage. Au centre du frontispice les symboles de la République précisent la mission fondamentale de l’État en matière d’enseignement. Au-dessus l’inscription « École Pratique de Commerce et d’Industrie et Primaire supérieure » rappelle les fonctions du bâtiment.

Frise sculptée par André Meric

Frise zigzagant sur l’ensemble des façades

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Les armes de la Ville sur le parvis du lycée Dhuoda

Le hall d'entrée du lycée Dhuoda en 1936

Un établissement municipal 

La présence répétée sur la façade et sur les sols des armes de la Ville, indique le rôle de la municipalité dans le financement des travaux. Classé au Monument Historique le lycée Dhuoda est un des rares bâtiments publics de la ville construit totalement dans le style épuré qui succède à l’Art nouveau.

L’immense hall d’entrée avec ses colonnes cannelées, sans base ni chapiteaux, est une évocation de la rigueur classique à l’image de celui du  musée des Travaux Publics réalisé par Auguste Perret. Des sols mosaïqués présentent des motifs géométriques de couleurs neutres, basés sur le principe de la répétition. Les ateliers sont disposés autour d’une cour centrale autrefois plantée de marronniers. Accrochés sur les coursives intérieures au premier étage, des ornements en grès flammé, œuvres d’André Meric, représentent les outils utilisés dans les métiers enseignés au lycée.

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Une princesse pour égérie  

La presse locale célèbre l’originalité du bâtiment : c’est une œuvre grandiose, parce qu'elle enrichit Nîmes d'un édifice, d'un monument dont la valeur architecturale, l'imposante bâtisse, la décoration artistique font honneur à ceux qui l'ont conçue, construite et décorée

Le lycée technique régional Dhuoda fréquenté pendant des années uniquement par les  garçons, rend hommage à une aristocrate humaniste cheffe de file de la littérature médiévale. Conservé à Carré d’Art, son manuscrit le "Manuel pour mon fils"  écrit en  843, est un remarquable et avant-gardiste traité d’éducation et de morale. 

Page du manuscrit "Manuel pour mon fils" par la princesse Dhuoda

Page du manuscrit "Manuel pour mon fils" par la princesse Dhuoda

L’ Imperator

Un hôtel patrimonial 

Face au canal de la Fontaine, dans ce quartier lieu de résidence de la bourgeoisie protestante nîmoise, se dresse la haute et sobre façade de l’hôtel Imperator. Formé de plusieurs bâtiments organisés autour d’un jardin, il est installé entre la place Aristide Briand, la rue Gaston Boissier et la rue Grétry. Son nom rappelle les liens privilégiés qui, durant l’Antiquité, unissaient les Nîmois à l’empereur Auguste.

L’hôtel est construit en 1929 par la Société Anonyme des Grands Hôtels Modernes de Provence. Cette filiale de la Compagnie des Wagons-Lits est propriétaire des trains prestigieux comme le célèbre Orient-Express ou le Train-Bleu  utilisés par  les grands voyageurs de l’époque. De nombreuses personnalités artistiques, littéraires, cinématographiques, tauromachiques, politiques…ont séjourné dans ce lieu plein de charme.  

Publicité pour l’hôtel Impérator, Annuaire du Gard 1938

Publicité pour l’hôtel Impérator, Annuaire du Gard 1938

Façade de l'Imperator

Façade de l'Imperator

Des formes géométriques adoucies par une rangée de génoise

L’entrée principale de l’hôtel, encadrée de colonnes sans ornement, est coiffée d’une marquise supportée par une armature en fer forgé. Aux  niveaux supérieurs des portes fenêtres en plein cintre et symétriques s’ouvrent sur la place Aristide Briand. Elles sont animées par des balcons filants aux lignes géométriques. Très épurée, la façade s’étire en hauteur pour former un fronton stylisé légèrement arrondi. Au-dessus de l’enseigne, une rangée de génoise, forme décorative typique en Provence et en Languedoc-Roussillon, s’affiche avec élégance. Ce décor caractéristique de l’architecture locale traduit la volonté du bâtisseur nîmois Albin Palatan de donner à l’édifice une allure méditerranéenne. C’est une des facettes du style Art déco qui s’affirme « régionaliste » et que l’on peut observer sur de nombreuses réalisations provinciales comme en Lorraine ou au Pays Basque. 

Avec le temps, telle une belle endormie, l’hôtel avait un peu perdu de son prestige. D’importants travaux de rénovation lui ont offert une cure de jouvence qui lui a permis d’obtenir le label cinq Etoiles. 

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Un jardin romantique   

Sous l’ombre fraîche des arbres centenaires, dont le majestueux Ginkgo Biloba occupe le centre, loin des regards, des amateurs de tauromachie venus du monde entier, des personnalités de toutes tendances, des touristes cosmopolites se côtoient et se rencontrent. La réputation de l’hôtel dépasse les frontières locales et au cours du temps il est devenu le lieu incontournable des soirées de Féria. Ouvert sur la ville, il accueille de nombreuses manifestations culturelles.

Jardin de l'hôtel l'Imperator en 1929

Salle à manger de l'Impérator

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Un ascenseur emblématique

Les murs du superbe hall Art déco, pavé de grands carreaux noirs et blancs, sont percés de vastes baies ouvertes sur le jardin. Le légendaire ascenseur, aux vitres ornées de ferronneries dorées entrelacées, attire le regard. Devenu une référence historique car utilisé au cours du temps par les stars d’Hollywood ou les grands noms de la tauromachie, il demeure l’attraction mythique de l’établissement.

Hall d'entrée de l'hôtel l'Imperator en 1929

Ascenseur de l'hôtel l'Impérator

Bar de l'hôtel l'Imperator en 1929

Bar de l'hôtel l'Impérartor

Un bar de légende

Le bar dénommé Hemingway, en souvenir du célèbre auteur américain client assidu de l’hôtel, est devenu un lieu de pèlerinage. D’ailleurs dans une de ses œuvres « le jardin d’Éden » l’écrivain évoque son  séjour  dans l’établissement. Une discrète rénovation restitue l’atmosphère cosy des années folles qu’apprécient les  admirateurs du célèbre romancier.

La Maison des Anciens Combattants

Dans la cour de l’ancien Grand séminaire, situé depuis le le XVIIIe siècle dans la rue des Chassaintes, se trouve la Maison des Combattants et Victimes de guerre qui est un exemple intéressant du style Art déco régional.

Au début des années 1930, un projet de construction d’établissement destiné à rappeler la mémoire des Combattants et des Victimes de la Grande Guerre est lancé par l’Union fédérale du Gard. Le bâtiment doit accueillir les manifestations et les œuvres de cette association. Son financement est assuré en grande partie par une souscription engagée auprès des communes du département. 

Maison des combattants en 1932

Maison des combattants en 1932

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Inscription murale, témoignage du financement de la Maison des anciens Combattants de Nîmes

Détail de la façade de le Maison des anciens Combattants de Nîmes

Une façade épurée

En 1934, les travaux sont confiés à Henri Floutier bâtisseur très connu dans la région. Il réalise un édifice d’un étage en béton armé élevé au-dessus d’un jardin. La sobre façade est marquée par la symétrie des ouvertures installées de part et d’autre du perron. Des pilastres cannelés espacés régulièrement expriment l’influence antique. Une grande inscription en lettres dorées, placée sous le toit terrasse, est habituelle de ce courant stylistique. Sur les frises en béton moulé des références aux ordres et récompenses militaires encadrent l’entrée principale. L’architecture et les décors expliquent la récente labellisation du bâtiment en tant que "architecture contemporaine remarquable". 

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Henri Floutier (1896-197), un architecte prolifique

Nommé architecte des Monuments Historiques, associé à son confrère Palatan, Henri Floutier dirige la plus importante agence du département. A Nîmes, il signe le réaménagement de l’ancien Hôtel Dieu en chambre de Commerce, l’Eden Théâtre, le Crédit agricole sur le boulevard des Arènes, la crèche Delon Soubeyran, l’école d’infirmières et de très nombreuses maisons individuelles et immeubles dispersés dans la ville. Son attachement à  Aigues-Mortes sa ville natale fait de lui une figure de l’architecture régionale. Il dessine le sanatorium du Grau-du-Roi, le foyer Communal de Calvisson et des groupes scolaires. Particulièrement sensible au mouvement coopératif viticole, Henri Floutier se voit confier la réalisation de nombreuses « cathédrales du vin ». Il crée un style qui s’exprime dans ces constructions destinées à la production viticole : Tavel, qui sera classée aux Monuments Historiques, Combas, Chusclan, Bouillargues, Villevieille...

Réaménagement de l’ancien Hôtel Dieu en chambre de Commerce par Henri Floutier

Réaménagement de l’ancien Hôtel Dieu en chambre de Commerce par Henri Floutier

Architecture domestique

Intimement lié à l'actualité, à l'économie et à la politique, ce style devenu populaire  séduit rapidement artistes et artisans. Dans de nombreux quartiers de la ville, le patrimoine bâti offre aux regards différents types de décor. Les artisans des métiers d’art, ferronniers, fresquistes, maîtres verriers, sculpteurs réalisent des ornements pour animer devantures de magasins, maisons individuelles, immeubles…

Dans les quartiers de la Placette, du Jean-Jaurès, de la route de Sauve, de la rue de la Biche, de la Fontaine, le long et derrière les ponts, avant et après la Seconde guerre mondiale, sur d’anciens terrains agricoles, poussent de nombreuses résidences inspirées par ce nouveau style. Leur aspect est le résultat d’une évolution de la maison classique du XVIIIe siècle. La façade demeure plate, on parle de mépla, et symétrique mais décorée de motifs originaux. Des pilastres dépourvus de chapiteaux sont évoqués par un rainurage de la pierre. Œuvres souvent de compagnons du Tour de France, leur talent s’expose dans les grilles, gardes corps, impostes, céramiques, présentes sur les façades dispersées dans la ville. De grandes portes d’entrée en fer forgé et verre mobile, des balcons décorés de motifs abstraits : spirales, feuilles de palmiers, chevrons géométriques sont souvent réalisés sur mesure. Des frises en béton moulé installées au-dessus des ouvertures sont ornées de palmettes, bouquets floraux stylisés, guirlandes de fruits et chevrons…

Porte avec ferronneries typique de l'Art déco

Porte avec ferronneries typique de l'Art déco

Sur les allées Jean-Jaurès, une élégante maison présente des balcons aux formes aérodynamiques et arrondies. Elles semblent reproduire les pare chocs des limousines ou des puissantes locomotives Diesel qui traversent les Etats Unis.

Un immeuble, situé également sur les allées, possède des angles concaves et se présente comme une proue profilée d'un navire fendant les flots. Cette évocation des puissants transatlantiques construits à la fin des années 1930 correspond à une nouvelle phase du style des Années folles appelée Stream line.

Façade d'une résidence allées Jean-Jaurès

Façade d'un immeuble Stream line des allées Jean-Jaurès

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Bow widows

Bow windows

Des résidences bourgeoises

Le décor devient un signe de distinction sociale. Au cours du temps les architectes installent des décrochements pour apporter plus de volumétrie aux façades.

Rue Dhuoda, à l’emplacement d’une ancienne bonneterie, le négociant Jules Queralt en 1940 confie à Henri Floutier la construction de sa résidence. À l’image d’une signature artistique, au premier étage, un bow-window, emprunté à l’architecture anglo-saxonne, agrandi la pièce de réception et apporte de la lumière. La porte principale est décorée d’un élégant motif de palmier, coiffé par les initiales du commanditaire. Cette maison, transformée actuellement en copropriété, est un bel exemple d’Art déco tardif.

Dans les années qui précèdent la guerre, l’architecte Georges Chouleur construit dans la rue de Combret pour une famille d’industriels nîmois, une maison influencée par ce même courant. On retrouve les lignes simples, la porte d’entrée en fer forgé et verre et à l’étage l'avancée de l’oriel surmonté d’une corniche et d’un grand fronton cannelé. Les fenêtres équipées de volets roulants en bois annoncent la fin de ce mouvement et l’arrivée du Modernisme

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Des œuvres d’art fonctionnelles et ornementales

Les artisans et artistes de cette période font preuve d’une grande créativité et se spécialisent dans la décoration intérieure, vitraux, peintures, luminaires, céramique… Entre luxe, confort moderne et technologie, ce mouvement se propose d’offrir un cadre de vie unifié et harmonieux. 

Membre de la célèbre École de Nancy, élève du talentueux Jacques Gruber grand spécialiste de l’Art nouveau, le maître verrier Georges Janin est l’auteur des élégants vitraux qui décorent le parloir et la salle des fêtes du lycée Dhuoda. Cet artiste laisse une œuvre importante visible dans de nombreux édifices religieux de l’Est de la France, endommagés par les bombardements.

A Nîmes, il réalise de charmants vitraux composés d’un décor floral de roses stylisées aux couleurs vives. Parfaitement conservé le verre coloré laisse passer une douce lumière qui crée une ambiance chaleureuse. Ce matériau opale, également appelé verre au lait pour sa finition blanche translucide, est utilisé aussi pour les luminaires emblématiques de ce courant. 

Vitrail du lycée Dhuoda par Georges Janin

Luminaire Art déco de l'ancienne brasserie Moderne de Nîmes (collection particulière)

Une peinture décorative 

Il n’y avait pas de section réservée à la peinture à l’Exposition de 1925. L’Art déco se veut essentiellement décoratif et les artistes réalisent des œuvres destinées à embellir les bâtiments publics. Ils utilisent les couleurs fétiches des Années Folles, le bleu, l’orange et surtout le doré.

Pour l’école Pratique, rue Dhuoda, le maire Hubert Rouget, souhaite laisser aux visiteurs et aux élèves un souvenir agréable de leur présence dans l’établissement. Il demande à Jean Christol, l’architecte du lycée, de faire décorer les vastes murs des salles accueillant le public. Les artistes locaux engagés viennent d’écoles différentes et réalisent des œuvres qui traduisent les activités du lycée ou celles de la ville où se trouve le chantier. 

Salle des fêtes du lycée Dhuoda

Salle des fêtes du lycée Dhuoda

Peinture sur toile dans la salle des fêtes du lycée Dhuoda par Paul Christol

Peinture sur toile dans la salle des fêtes du lycée Dhuoda par Paul Christol

Une ode au travail 

Le peintre nîmois Paul Christol (1901-1982), neveu de l’architecte du même nom exécute de grandes œuvres sur toile accrochées sur l’un des murs de la salle des fêtes. L’une d’elle représente les activités agricoles du département. Au centre le maire Hubert Rouger tient une grappe de raisin. A l’arrière-plan apparaissent les remparts d’Aigues-Mortes, le canal du petit Rhône et la garrigue cévenole.

Sur la toile médiane, au cœur de la composition, la Ville de Nîmes symbolisée par une déesse vêtue à l’antique est  associée à la louve romaine. Cette allégorie évoque une page de l’histoire nîmoise. Les activités industrielles et artisanales témoignent de la prospérité locale matérialisée par la présence de cornes d’abondance. Architectes, sculpteurs, peintres, banquiers portent les traits de personnalités nîmoises. La troisième toile présente les mines et forges de la région d’Alès.

Les codes de l’Art déco, stylisation classique, théâtralisation des postures, références à la modernité industrielle sont présents dans ces œuvres. Elles sont cependant marquées par des influences réalistes et socialistes. L’artiste dans un but pédagogique met en avant la "valorisation" du travail. Reconnu pour son talent, en 1940, il peint au-dessus du bar de la nouvelle salle "Studio" ouverte dans l’Eden Théâtre, rue Godin, des panneaux colorés et festifs à la gloire de Joséphine Baker et de Maurice Chevalier.

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Le goût de la nature

Les murs du parloir du lycée Dhuoda sont couverts de scènes naïves qui racontent les plaisirs de la vie à la campagne et les activités qui se déroulent le dimanche au mazet. Fils de Ferdinand Pertus, Henri Pertus artiste local, peint des saynètes bucoliques qui traduisent l’attachement des Nîmois à leur garrigue. 

En 1937, Henri Floutier chargé de la rénovation de l’ancien hôpital Ruffi, confie à plusieurs peintres gardois la décoration intérieure du hall et des salles de réception. Sur les murs de la salle des séances de la Chombre de commerce, Henri Pertus représente les activités qui ont fait la richesse de la ville. Dans le bureau du Président commanditaire, Pierre Gamel, une grande composition aux couleurs éclatantes fait revivre les gloires de l’histoire locale associées à leurs communes d’origine.

Premier mouvement d’architecture et de décoration au retentissement mondial, l’Art déco reste associé à une période de prospérité et d’insouciance. Entre luxe, confort moderne et technologie, ce mouvement se propose d’offrir un cadre de vie unifié et harmonieux. Oublié pendant de nombreuses décennies, revisité à présent il connaît un regain de popularité. Il influence la décoration intérieure et fait le bonheur de collectionneurs avisés.

Peinture murale "Partie de boules" de l'artiste Henri Pertus au lycée Dhuoda

Sur les murs de la salle des séances de la CCI, Henri Pertus représente les activités qui ont fait la richesse de la ville

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Fin !

Focus imaginé et créé en collaboration avec Danièle Jean.