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Nîmes, Ville d'art et d'histoire

Un site édité par le Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine de la Ville de Nîmes

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Nîmes au féminin

En cette journée internationale des droits des femmes, découvrez six portraits de Nîmoises, connues ou moins connues, qui se sont engagées dans leurs domaines d’activités et pour changer leur statut.

Établissements Solignac : confection de lingerie

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Des femmes qui ont marqué l’histoire de la ville

Si le combat des femmes pour leurs conditions de vie et leurs droits est ancien, c’est à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, avec la diffusion des valeurs républicaines, que s’intensifie la remise en question du modèle patriarcal.
Désireuses d’obtenir leur autonomie financière grâce à l’éducation, les femmes réussissent progressivement à renverser les interdictions et à s’imposer dans la société comme égales des hommes

Même si elles ont marqué l’histoire de la ville, on rencontre peu de traces de leurs existences. Quelques noms de rues, quelques bâtiments publics, souvent des écoles, rappellent le rôle de certaines d’entre elles. Quant aux plus nombreuses, ouvrières, paysannes, jardinières, bugadières, domestiques… elles appartiennent à la foule des innommées de l’histoire.

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Marie Soboul

Engagée sur tous les fronts

Une école primaire située dans la rue Rouget de Lisle affiche fièrement sur une plaque de marbre le nom d’une Nîmoise pédagogue et républicaine. Dans les années 30, Marie Soboul est considérée par sa hiérarchie comme l’une des meilleures directrices d’École normale de France. Femme de devoir, elle prend en charge l’éducation de ses neveux devenus orphelins.

Pendant la seconde guerre mondiale, elle entre dans la Résistance et participe à la libération du pays sous le pseudonyme de Valérie.

Portrait de Marie Soboul

Plaque commémorative

Une pédagogue au service la République

Née en 1884 dans une famille d’agriculteurs ardéchois, Marie fait ses études à l’École normale d’institutrices de Privas puis entre à l’École normale supérieure primaire de Fontenay-aux-Roses. En 1928, elle assure la direction de l’ENI (École normale d’institutrices pour filles) de Nîmes et enseigne aux futures institutrices la psychologie, la sociologie, la pédagogie et la philosophie. Pédagogue exemplaire, elle défend un idéal qui repose sur la défense des valeurs républicaines et laïques. Dès le début de sa carrière, elle milite dans des mouvements pacifistes et des organisations créées par le Front Populaire.

Elle adopte ses neveux Albert et Gisèle Soboul, orphelins de guerre, et leur transmet le sens de la dignité, de la fraternité. Ces valeurs morales, le gout de la philanthropie, l’attachement à la République, sont les références qu’elle leur transmet et qui contribuent à la vocation du grand historien de la Révolution française que fut Albert Soboul.

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Femme engagée, Valérie la résistante

Le gouvernement de Vichy ferme les écoles normales. Marie Soboul s’engage très tôt dans la Résistance locale et participe sous le pseudonyme de Valérie au Mouvement de Libération nationale. De septembre 1944 à octobre 1945, le Comité départemental de Libération dirige la ville au titre du MLN.

Militante à la SFIO, elle fut, avec Gilberte Roca, conseillère municipale de Nîmes de 1947 à 1959.

Extrait du journal "Le Républicain du Gard : journal quotidien du soir" du 25 août 1944

Extrait du journal "Le Républicain du Gard : journal quotidien du soir" du 25 août 1944

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Gilberte Roca, née Cau

Les Françaises votent pour la première fois !

Le combat des femmes pour le droit de vote remonte à la période de la Révolution française. Maintenu en dormance au XIXe siècle, le suffragisme militant se poursuit au travers de figures isolées mais se réveille avec les suffragettes avant la première guerre mondiale.

Cet activisme aboutit à l'adoption par le général de Gaulle d’un projet en faveur du droit de vote féminin. L'ordonnance du 21 avril 1944 accorde ainsi le droit pour une femme de voter et d'être élue.

Ordonnance du 21 avril 1944 instituant le droit de vote des femmes

Ordonnance du 21 avril 1944 instituant le droit de vote des femmes

Portrait de Gilberte Roca

Portrait de Gilberte Roca

Une militante courageuse

Gilberte Roca, jeune nîmoise de 34 ans, fait partie de la trentaine de femmes qui entrent en 1945 au Palais Bourbon. Elle siège comme députée du Gard à l’Assemblée constituante.

Née le 18 février 1911 à Cailhau dans l’Aude, elle grandit dans une famille d’ouvriers agricoles. Elle s’engage dans la vie militante et adhère dès 1934 au parti communiste. Mariée avec Edmond Roca, syndicaliste et communiste, elle s’installe à Nîmes où il occupe des fonctions éminentes au comité régional Gard-Lozère. Mobilisé pendant la seconde guerre mondiale, son époux est fait prisonnier de guerre et ne revient en France qu’en 1945. En son absence, Gilberte s’engage dans la Résistance à Nîmes, puis à Lyon et dirige ensuite l’Union des femmes françaises de l’Hérault.

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Une pionnière

Le 21 octobre 1945, Gilberte est élue députée du Gard à la nouvelle Assemblée constituante et siège avec les premières représentantes féminines désignées au scrutin national. Ces élus sont chargés de reconstruire le pays et de rebâtir les fondements de la République après l’Occupation. Cette assemblée pose les bases de la Sécurité Sociale et de l’EDF en 1946.
Réélue en 1956, puis en 1962, la députée participe à plusieurs commissions parlementaires. Elle se préoccupe de la famille, des personnes âgées et des mères, de la santé publique et octroie des aides financières aux victimes des intempéries agricoles.

En parallèle, elle exerce plusieurs mandats locaux et devient la première femme à siéger au Conseil général du Gard (aujourd’hui Conseil départemental). Elle retrouve l’équipe municipale nîmoise de 1959 à 1977 et milite jusqu’à sa disparition pour l’Enfance ouvrière nîmoise au grand air.
Gilberte Roca laisse le souvenir d’une femme de courage pour qui la politique n’était pas un métier mais un service. Son histoire est étroitement liée à la lutte pour le droit de vote des femmes et au combat pour leur indépendance et leur liberté.

Bulletin de vote

Bulletin de vote

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Paule Pascal

Femme sculptrice des années 1960

Rares dans l’histoire de l’art sont les femmes sculptrices. Elles sont souvent dans l’ombre de leurs mentors et ce n’est que récemment que les critiques d’art ont reconnu leur talent à part entière. Certains amateurs d’art utilisent encore pour les désigner le terme de sculpteur tant ce métier semble réservé aux hommes.

Née en 1932 dans une famille nîmoise, Paule Pascal fait ses études au lycée Feuchères et se passionne pour le dessin. Une rencontre avec le sculpteur et architecte Armand Pellier, ami de ses parents, confirme sa vocation. Voulant suivre ses pas, elle s’inscrit à l’école des Beaux-Arts de la ville. Elle découvre dans l’atelier du maitre la pierre du Pont du Gard et la taille en direct. Elle leur restera fidèle.

Paule Pascal au travail sur le chantier de la Maison de l’agriculture à Nîmes

Photographie publiée dans : Plouvier, Paule et François, Michèle, Paule Pascal, femme sculpteur dans les années 1960-1985 : la rencontre de la matière et de l'espace, Ed. DRAC Occitanie, collection Duo, 2017.

Paule Pascal au travail sur le chantier de la Maison de l’agriculture à Nîmes

Photographie publiée dans : Plouvier, Paule et François, Michèle, Paule Pascal, femme sculpteur dans les années 1960-1985 : la rencontre de la matière et de l'espace, Ed. DRAC Occitanie, collection Duo, 2017.

Une formation académique qui évolue vers l’abstraction

Pour compléter sa formation, elle intègre en 1954 l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. C’est en suivant l’enseignement de Marcel Gimond, grand nom de la sculpture française, qu’elle découvre le lien entre l’architecture et la sculpture

Elle complète sa formation en suivant des cours d’anatomie, réalise des croquis de danseurs, admire de nombreuses expositions et voyage en Grèce et en Italie. Au cours de rencontres avec d’autres sculpteurs, parmi eux Giacometti, Brancusi ou Zadkine, elle s’imprègne d’un nouveau souffle qui influence son travail vers la simplification des lignes et l’abstraction.

Bas-relief de la Maison de l’agriculture réalisé par Paule Pascal

Les Jambes (promenade de Port Camargue, Le Grau-du-Roi, Gard)

L’œuvre publique

Influencée par ses maitres, persuadée que la sculpture est une émanation de l’architecture, elle revient à Nîmes et décide de travailler avec des architectes. Elle retrouve la carrière d’Armand Pellier à Vers-Pont-du-Gard. Elle apprend à dégrossir les blocs en rondes bosses qui sont transportés dans son atelier de la rue des jardins pour y être achevés.

Elle crée entre 1954 et 1984 plus de 354 sculptures monumentales, la plupart en pierre de Pont du Gard, quelques-unes en métal, pour de nombreux projets réalisés par des architectes locaux comme Armand Pellier, Joseph Massota, Jean Pierre Agnel, Jean Louis Pagès… le plus souvent dans le cadre du 1% artistique. Ils lui apportent leur confiance et leurs connaissances techniques. Elle établit avec eux des liens d’amitiés même si Armand Pellier demeure son père spirituel.

Église Notre-Dame du Suffrage et Saint-Dominique

Église Notre-Dame du Suffrage et Saint-Dominique

Cloître de l'église Notre-Dame du Suffrage et Saint-Dominique

Cloître de l'église Notre-Dame du Suffrage et Saint-Dominique

Paule intervient au foyer municipal de Gallician, réalise l’exceptionnel mur de façade de la maison de l’agriculture du Gard, conçu comme un hommage aux richesses agricoles du département. Elle sculpte les parois du hall de l’agence régionale du Crédit Agricole et installe ses sculptures dans ou devant des résidences au Grau-du-roi et à Port-Camargue.

L’église nîmoise Notre-Dame-du-Suffrage-et-Saint-Dominique, inscrite au titre des monuments historiques, conserve avec son incroyable chemin du Rosaire une trace exceptionnelle de son talent. Paule Pascal expérimente une nouvelle technique. Les panneaux relatifs aux mystères du Rosaire sont moulés dans le béton coulé entre des coffrages de polystyrène où les formes sont découpées.

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Une reconnaissance institutionnelle tardive

En 2011, à la suite de la décision prise par le ministère de la Culture de labelliser « Patrimoine du XXe siècle » (aujourd’hui « Architecture contemporaine remarquable ») les œuvres des architectes Armand Pellier et Joseph Massota, celles de Paule Pascal bénéficient d’une reconnaissance artistique institutionnelle. Le label est attribué à la maison-atelier de l’artiste située à Bouillargues ainsi qu’a six autres édifices réalisés par ces architectes.

Cette artiste occupe une place singulière qui témoigne plus de la collaboration entre un sculpteur et des architectes que de la reconnaissance du talent d’une remarquable artiste féminine.

Atelier de Paule Pascal dans sa maison de Bouillargue

Photographie publiée dans : Plouvier, Paule et François, Michèle, Paule Pascal, femme sculpteur dans les années 1960-1985 : la rencontre de la matière et de l'espace, Ed. DRAC Occitanie, collection Duo, 2017.

Atelier de Paule Pascal dans sa maison de Bouillargue

Photographie publiée dans : Plouvier, Paule et François, Michèle, Paule Pascal, femme sculpteur dans les années 1960-1985 : la rencontre de la matière et de l'espace, Ed. DRAC Occitanie, collection Duo, 2017.

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Andrée Julien

La « porteuse » de mémoire

Lorsqu’on rencontrait Andrée Julien, nul ne pouvait croire que dernière son sourire éclatant, ses yeux pétillants de vivacité et sa joie de vivre se cachait un engagement total à l’origine d’une vie blessée par des moments douloureux.

C’est à Arles dans une famille populaire que nait, en 1923, la jeune Andrée. Son père Fernand, employé à la compagnie des chemins de fer, membre du PCF, vend l’humanité le dimanche matin accompagné parfois de sa fille. Très engagée avec ses frères dans des mouvements de jeunes antifascistes, Andrée participe à la collecte de denrées alimentaires destinées aux républicains espagnols.

Portrait d'Andrée Julien

Portrait d'Andrée Julien

Résistante jusqu’au bout

La défaite de juin 1940 et l'arrivée massive de réfugiés à Nîmes la bouleversent profondément et confirment son engagement patriotique. Vichy dissout le PCF, fait arrêter son père Fernand et plusieurs cheminots du dépôt de la rue Pierre Sémard.

Avec son frère Henri démobilisé et d’autres jeunes militants, elle imprime dans la maison familiale de la rue Salomon Reinach des tracts qu’avec d’autres camarades, elle dépose dans les boites aux lettres. Après l’arrestation de son frère Henri, elle devient agent de liaison sous le prénom d’Annick et occupe la tête d’un réseau clandestin.

Tract incitant au sabotage – 1944

Tract incitant au sabotage – 1944

La déportation

En 1942, elle a 19 ans. Suite à une dénonciation, elle est arrêtée et incarcérée à Nîmes, à Marseille, puis à Rennes. Elle est déportée au camp disciplinaire de Neue Bremm en Allemagne, près de Sarrebruck et transférée en 1944 dans celui de Ravensbrück.

Voici un témoignage de son arrestation : « Nous avons passé la frontière le 6 juin 1944. Ce qui fait qu’en Normandie, il y avait le débarquement et nous, au côté opposé, nous passions la frontière, enchainés, pour aller dans les camps de la mort… » 

De cette terrible période, elle a conservé le matricule 42144 qu’elle porte tatoué sur le bras et des souvenirs inaltérables. « On fabriquait des obus pour le régime nazi. On essayait de ralentir mais il y avait les SS derrière avec les armes. Il fallait travailler, travailler, travailler. Et donc on s’était fait une philosophie. On travaillait parce qu’on était obligé mais il n’était pas interdit de chanter. Alors, en manipulant ces obus, nous, on chantait. La rage au cœur, on chantait des chansons françaises. »

Andrée Julien présentant son numéro de matricule cousu sur son vêtement de détenue

Andrée Julien présentant son numéro de matricule cousu sur son vêtement de détenue

Mémorial gardois de la déportation, situé avenue Jean Jaurès à Nîmes

Mémorial gardois de la déportation, situé avenue Jean Jaurès à Nîmes

Malgré l’horreur de la vie dans le camp, son moral reste solide et lui permet de résister. En juillet 1944, elle travaille dans une usine d’obus appartenant au groupe Siemens. En 1945, lors d’une marche forcée accompagnée de trois autres déportées, elle réussit à s’enfuir et sera récupérée par les forces alliées.« C’était le moment ou jamais. Je me suis jetée dans ce champ de colza, vers la liberté. »

Après la guerre, elle est employée à la Préfecture du Gard puis elle devient l’une des créatrices et animatrices de la fondation des Amis pour la Mémoire de la Déportation (AFMD) dans le département.

Le devoir de mémoire

À la retraite, elle décide de transmettre son histoire aux jeunes générations. Pendant de nombreuses années et accompagnée d’autres résistantes, en particulier Jacqueline Vigne, elle témoigne dans les établissements scolaires de la ville et du département et répond aux interrogations des élèves.

Ce devoir de mémoire, Andrée Julien le perpétue inlassablement jusqu’à la fin de sa vie et précise : « On a le cœur gros. On a des mots qui sont durs à dire mais on ne pleure jamais. On a le moral tel que nous l’avions il y a plus de 70 ans. Ce qui me pousse à témoigner, c’est pour que les élèves soient vigilants pour que ça n’arrive plus. »  Après sa douloureuse narration pendant une heure, les élèves sont invités à poser toutes les questions pour comprendre la déportation et les camps de concentration. Ainsi ils deviennent acteurs d’une page d’histoire qui se déroule devant eux.

Échanges entre Andrée Julien, Jacqueline Vigne et des élèves gardois

Échanges entre Andrée Julien, Jacqueline Vigne et des élèves gardois

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Andrée Julien lors de la remise des insignes d’Officier de la Légion d’honneur en octobre 2022

Andrée Julien lors de la remise des insignes d’Officier de la Légion d’honneur en octobre 2022

La reconnaissance de l’Etat

Dernière résistante déportée du Gard, Andrée Julien est élevée pour ses 100 ans au rang d’officier de la Légion d’honneur. Au terme de la cérémonie, elle déclare : « Je suis une battante et ne regarde jamais en arrière. »

 Le 4 mai 2023, elle s’est éteinte, apaisée et lucide.

En hommage à son courage, dans la rue Salomon Reinach à proximité de son ancienne maison, un square porte son nom. Il rappelle à toutes les générations la force de son engagement.

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Georgina Dufoix

La politique, une passion

Malgré l’obtention du droit de vote en 1944, puis la création d’un secrétariat à la condition féminine trente ans plus tard, la présence et le rôle des femmes demeurent rares et limités dans la vie politique française jusqu’aux années 80. En 1976 la jeune Georgina Dufoix, soutenue par Suzanne Crémieux, l’une des premières sénatrices du Gard, décide d’entrer en politique.

Georgina est née le 16 février 1943 dans une vieille dynastie protestante d’origine cévenole. Son père Alain Nègre, conseiller municipal sous le mandat du maire socialiste Edgard Tailhades, est directeur du garage Renault. Elle grandit dans le contexte confus de l’après-guerre animée par les souvenirs de ceux qui ont vécu le terrible conflit. « J’aurai voulu servir la France », déclare-t-elle déjà à son entourage. En 1954, lors du terrible hiver, elle entend l’appel de l’abbé Pierre à la radio. Elle est bouleversée par son message et décide de s’engager au service des autres. Après des études aux lycées Feuchères puis Montaury, elle part à Paris et obtient un DESS en sciences économiques.

Banque Nègre-Bergeron & Bruneton

Prosper Nègre, ancêtre de Georgina Dufoix, fonde la banque Nègre-Bergeron, installée au 21 quai de la Fontaine, à Nîmes.

Georgina Dufoix enfant

Georgina Dufoix dans les jardins de l'Élysée le 14 juillet 1990

Georgina Dufoix dans les jardins de l'Élysée le 14 juillet 1990

Du monde de l’entreprise à celui des affaires

En 1967 à la suite du décès accidentel de son père, Georgina dirige le garage familial et crée avec son frère les concessions de location de voitures « Avis » à Nîmes, Arles et Alès. Après mai 68, l’opinion publique s’interroge sur la question de la présence des femmes en politique. Le profil de la jeune chef d’entreprise mère de famille, femme active, sans étiquette, intéresse la classe politique locale.

En 1976, elle rencontre Georges Dayan, ami de François Mitterrand chargé d’implanter dans le département un réseau de futurs candidats socialistes. Elu député du Gard puis maire de Caveirac, celui-ci lui conseille de s’engager en politique. Elle fait ses premières armes comme conseillère municipale en 1977.

Une professionnelle de la politique

Georgina Dufoix est nommée Secrétaire d'État à la Famille de mai 1981 à mars 1983 dans les gouvernements Mauroy, puis secrétaire d'État à la Famille, à la Population et aux Travailleurs immigrés de mars 1983 à juillet 1984. Elle engage de nombreuses batailles : protection des parents pauvres isolés, enfance maltraitée, toxicomanie, adoption et handicap, grande pauvreté…

Dans le gouvernement Fabius, elle devient Ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale et exerce ses fonctions de juillet 1984 à mars 1986.  Son désir est de « changer la vie » des plus faibles, pour cela elle initie la création d’un Institut de l’enfance et de la famille.

Gouvernement Pierre Mauroy I, perron du palais de l’Élysée côté jardin, 27 mai 1981 (côte AG/5(4)/SPH/2/4645)

Gouvernement Pierre Mauroy I, perron du palais de l’Élysée côté jardin, 27 mai 1981 (côte AG/5(4)/SPH/2/4645)

Buste de Marianne aux traits de Georgina Dufoix, mairie de Riorges (42)

Buste de Marianne aux traits de Georgina Dufoix, mairie de Riorges (42)

Après avoir été porte-parole du Gouvernement de décembre 1984 à mars 1986, elle se voit confier, sous le gouvernement Rocard, un grand ministère qui englobe la Famille, les droits de la Femme, la Solidarité et les Rapatriés. Mais à la suite de sa défaite aux élections législatives dans le Gard elle doit quitter son poste.

De 1989 à 1992, elle assure la présidence de la Croix-Rouge française puis est nommée jusqu’en 1993 déléguée générale à la lutte contre la drogue et la toxicomanie.

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L’ancrage local

Georgina n’abandonne pas la politique locale. À la tête de la liste PS, elle est élue députée du Gard aux élections législatives de 1986.  Elle est battue deux ans plus tard par Jean Bousquet.
En octobre 1991, les médias la mettent en cause dans l’affaire du sang contaminé. Innocentée par la justice, une profonde démarche spirituelle l’aide à s’éloigner et à résister aux violences médiatiques.

Retirée de la vie politique, Georgina retrouve sa famille, sa ville natale et les valeurs de responsabilité et de respect des libertés héritées de son enfance.

Parmi toutes les distinctions qui lui ont été attribuées, celle dans laquelle elle se reconnait le mieux est celui de Femme de l’année accordée en 1989. Cette récompense est décernée chaque année à une femme qui a défendu un peuple, une cause, une nation. Comme une sorte de défi a ceux qui pensent que la politique nationale et les fonctions essentielles sont réservées aux hommes.

Georgina Dufoix devant l'amphithéâtre de Nîmes

Georgina Dufoix devant l'amphithéâtre de Nîmes

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Odile Assmann

Un devoir d’humanité

Depuis le XVIIIe siècle, le faubourg Richelieu abrite des populations qui vivent dans des conditions précaires : ouvriers du textile, cheminots, orphelins, enfants abandonnés, femmes seules se sont succédés au cours du temps. Pour leur venir en aide, des établissements d’accueil sont fondés par des communautés religieuses le plus souvent dirigées par des femmes. Des orphelinats, des salles d’asile, des pensionnats, des soupes populaires se multiplient. Cette intense activité sociale persiste avec la présence d’associations comme l’Entraide Gardoise, le Secours populaire et la Table ouverte. Elles se sont établies dans ce quartier riche en lieux solidaires.

Portrait d’Odile Assmann

Portrait d’Odile Assmann

Odile enfant parmi les scouts

Odile enfant parmi les scouts

Garder le cœur ouvert

Née en 1917 à Marseille, Odile Vente-Assmann est la troisième d’une fratrie de dix enfants, dont un garçon et neufs filles. Son père est polytechnicien et sa mère est une enseignante qui consacre son temps à l’éducation et à l’enseignement de ses enfants. Elle leur communique l'amour des valeurs de justice, de respect de l’autre. Odile, passionnée par le scoutisme, apprend l’engagement, l’entraide, et le sens de la vie en communauté. Elle déclare aux membres de sa patrouille : « Je veux aider les autres à construire ou à se reconstruire. » 

Elle rentre à l’école d’infirmière de la Croix-Rouge à Strasbourg. Trop jeune pour exercer, elle suit des cours de psychologie à la Sorbonne et obtient son diplôme d’assistante sociale. Elle décide de servir les autres. Ce combat va guider sa vie.

Sur les routes de l’Entraide

En 1939, Odile est embauchée comme assistante sociale aux usines d’armement St Jacques implantées à Montluçon. Avec l’entrée en guerre, elle découvre les difficultés imposées à la main d’œuvre féminine en l’absence des hommes partis au combat et l’inexistence d’aides sociales.

À la fin de la guerre, au mariage d’une amie, elle rencontre un musicien dont le regard va changer le cours de sa vie. Heinz Assmann est un jeune allemand opposant au régime nazi, réfugié en France. Après avoir été interné car considéré comme étranger, il est mobilisé dans l’armée française, fait prisonnier en Silésie pendant cinq années puis libéré par l’armée du général Patton. Quatre enfants vont naitre de cette union.

Odile et son mari Heinz Assmann

Odile et son mari Heinz Assmann

Le mazet de Castanet

En avril 1951, Odile et sa famille s’installent à Nîmes, dans le mazet d’un oncle, situé à l’impasse Bellevue, près de la route de Sauve. Le petit logement devient une véritable auberge qui accueille voisins, amis et même les déshérités de la vie. Pour vivre, elle exerce différents métiers : institutrice, infirmière ou encore aide-soignante dans des institutions de confession catholique mais aussi protestante. Odile établit des liens avec la Cimade et vient en aide aux étrangers et aux réfugiés.

Le mazet

Le mazet

Combattre et accueillir

Au cours du terrible hiver 1954, elle milite au sein du « Front de logement » en liaison avec la communauté d’Emmaüs. Pour loger les sans-abris, elle obtient la mise à disposition par la SNCF de wagons de chemin de fer. Son activité professionnelle la met en contact avec les plus défavorisés.

Dans un local situé rue des Tilleuls en 1986, aidée par une religieuse de Saint Vincent de Paul et par des bénévoles d’associations protestantes, elle accueille les prisonniers libérés et les aide à préparer leur réinsertion. Devant l’afflux de personnes sans ressource, l’association doit se déplacer au 43 rue Séguier dans l’ancienne clinique Jeanne d’Arc.

Portrait d’Odile Assmann à la Table Ouverte dans les années 90

Portrait d’Odile Assmann à la Table Ouverte dans les années 90

À la fatalité, opposons une Table Ouverte

En 1986 lui vient l’idée de créer un restaurant solidaire pour servir des repas chauds à midi, dans un premier temps pour les prisonniers, puis pour  toutes les personnes en difficulté. Odile sait tisser des liens entre les femmes et les hommes de bonne volonté. Elle n’hésite pas à interpeller toutes les institutions pour obtenir des aides financières et matérielles. En 1988 après les inondations, l’évêché accepte d’héberger gratuitement l’association dans une maison située au 44 rue Richelieu.

Tous les jours jusqu’à ses 93 ans, Odile est présente à Table Ouverte. Déterminée à faire partager ses convictions et ses valeurs, elle témoigne dans de nombreux établissements scolaires. Son engagement et son dévouement sont reconnus par l’Etat, les institutions et les collectivités qui lui attribuent de nombreuses distinctions, dont la Légion d’honneur.

Le restaurant solidaire "Table Ouverte"

Le restaurant solidaire "Table Ouverte"

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Le restaurant solidaire "Table Ouverte"

Le restaurant solidaire "Table Ouverte"

Après la disparition d’Odile en 2014, le combat contre la misère continue. L’association Table Ouverte vient en aide aux plus démunis et à tous ceux qui se trouvent en situation de grande précarité. Grâce au dévouement d’une équipe de bénévoles, ils reçoivent une aide alimentaire, une oreille attentive, une assistance, des conseils et des activités culturelles : tout ce qui peut permettre à l’individu, quel que soit son parcours de vie et son pays de naissance, de retrouver sa dignité.

En 2013, à la retraite, Odile écrit une biographie « Le don de donner », qui témoigne de son combat contre la fatalité, la misère et l’exclusion. « Nous sommes écrit-elle, grands non par la fortune, ou le pouvoir mais par le cœur. »

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Hommage aux invisibles

Depuis le Moyen Âge, le textile assure à la ville dynamisme et prospérité. L’une des raisons de cette réussite repose sur la qualité et l’engagement de la main d’œuvre féminine. Natives pour la plupart des Cévennes ou des villages proches de la cité, les ouvrières sont employées dans les ateliers et les usines. Elles produisent draps, petites étoffes, bas de soie, châles, lingerie et confectionnent des pantalons et des vêtements féminins. Certaines de ces fabrications sont à l’origine d’un commerce rémunérateur en direction des pays étrangers.

Au cours du temps, les ouvrières subissent des conditions de travail souvent inhumaines et perçoivent des salaires inférieurs à ceux de leurs homologues masculins. Peu soutenues par les organisations syndicales, certaines doivent même vivre dans l’usine comme dans un couvent pour améliorer les rendements. Il faut attendre 1892 pour qu’une loi leur interdise le travail de nuit et 1908 pour la création du congé maternité

Établissements Solignac : confection de lingerie (45, quai de la Fontaine) - 1930

Établissements Solignac : confection de lingerie (45, quai de la Fontaine) - 1930

Après la seconde guerre mondiale, Andrée Michel, Simone Cazolet, Micheline Therond et bien d’autres, qu’elles soient lingères, mécaniciennes ou repasseuses, entrent à 15 ans comme apprenties dans l’entreprise Solignac installée quartier de la Plateforme (quartier de la Fontaine). Conformément au contrat signé pour elles par leur père, « elles acceptent d’être obéissantes, fidèles et respectueuses envers leur patron. »

Dès leur arrivée, elles connaissent le sort qui les attend jusqu’à l’âge de soixante-cinq ans en lisant le slogan inscrit sur les murs des bâtiments : « On n’a rien sans peine ». Dans l’atelier au-dessus des machines s’affiche une règle incontournable « Machines sales ne conviennent qu’a des gens sales ».

Établissements Solignac : confection de lingerie

Établissements Solignac : confection de lingerie

Pendant quatorze heures par jour et six jours sur sept elles apprennent le métier sous l’autorité intransigeante des contremaitres et de leurs collègues masculins. Lorsque les difficultés du marché obligent les propriétaires à réduire les charges financières, elles sont les premières victimes des licenciements. Sans défense syndicale, elles sont contraintes à retrouver leur foyer et de vivre l’angoisse du lendemain.

Cependant, malgré les cadences du travail, l’atelier reste le lieu où émergent les désirs d’émancipation et de liberté.

Établissements Solignac : confection de lingerie

Établissements Solignac : confection de lingerie

Artistes, écrivaines, enseignantes, militantes, ouvrières, politiques… ces Nîmoises ont contribué, séparément, collectivement, localement et au niveau national, à l’évolution des esprits.  Au service des autres, elles ont fait bouger les lignes pour construire un monde égal en dignité et occuper dans la société une place identique à celle de leurs homologues masculins.

« Il n’y a aucune limite à ce que nous pouvons accomplir en tant que femmes » - Michele Obama

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Fin !

Exposition en ligne imaginée et créée en collaboration avec Danièle Jean.